
Je n'oublierai jamais,
Je n'oublierai jamais la visite aux jardins, tes concours de légumes avec le père Sibille, la confrontation épique de vos accents, les voyages en 4 ailes aux champs et aux villages, le partage de la cueillette des châtaignes avec tes petits enfants que nous étions, qui prenions le travail avec trois heures de retard et comptions quand même dans les convives au repas que Thérèse préparait, seule à ne pas se reposer après le froid de l'hiver arrivant, les dos pliés, comme dans une longue prière aux chataigniers. Qu'ils donnent de beaux fruits et qu'ils se vendent bien.
Je n'oublierai jamais ta silhouette qui marche un peu de biais, à cause du coude en l'air, à cause de ta petite radio toute rafistolée, collée à l'oreille, bousculant tes lunettes, le walkman avant
l'heure, les seuls moments où tu étais complètement indisponible, parfois même au volant…
Je me souviens tes portes ouvertes aux fêtes, aux célébrations du village, les montagnes de
choux que tu préparais pour les grandes pièces montées, couvertes du caramel que tu testais
au doigt, avec la seule protection d'un mince rempart d'eau fraîche, poursuites de ton premier
métier, celui de pâtissier.
Je n'oublierai jamais ta démarche, toujours pressée, ta manière de prendre les escaliers, toutes ces images qui se croisent.
Je n'oublierai jamais ton sourire ouvert, ton sourire offert, malgré les difficultés, quelques
soient les douleurs.
Je n'oublierai jamais ton visage qui s'éclairait toujours à mon arrivée, ta manière de chanter mon prénom, et ce jusqu'à l'automne dernier, où, alors que tu ne bougeais presque plus de ta chambre, tu étais pourtant descendu, agrippé aux deux rampes, parce que le voyageur longtemps absent que j'étais, passais par ta demeure.
Merci Maurice, du fond du coeur, merci.
